L

a salle éclate en une triomphale salve d’applaudissements. Sur scène, une seule personne, une jeune femme, dont la présence occupe pourtant toute la salle. Les bras légèrement écartés le long de ses hanches, elle reste immobile, les yeux fermés, appréciant les acclamations qui ne sont là que pour célébrer sa performance. Une robe charleston épouse parfaitement ses formes, alors que ses longs cheveux bruns sont difficilement retenus par un bandeau coiffé d’une plume. Sa poitrine monte et redescend assez vite, en cadence avec son cœur ; elle n’a presque plus de souffle. Une perle de sueur glisse le long de sa tempe pour terminer sur sa nuque : de nouveau, Sofia Austen vient de faire un carton.

S

ur la première page d’un célèbre journal, un titre choque toute l’Angleterre : « Sofia Austen, la célèbre comédienne, a disparu sans laisser de traces. » La photo accompagnant l’article représente la jeune femme lors de sa dernière représentation.
Sofia Austen, jeune actrice à un tournant de sa carrière et au sommet de son art, a disparu dans la nuit de jeudi à vendredi. Sa famille et son fiancé ont tout de suite alertées les autorités, la fugue n’étant pas dans les habitudes de la demoiselle. Plusieurs déductions ont été envisagées : le stress de son métier pourrait lui avoir donné l’envie de disparaître un moment ; ou bien, Sofia aurait été enlevée dans le but de réclamer une rançon. Mais l’actrice est une femme à la tête froide et a le sens des responsabilités ; de plus, aucun ravisseur ne s’est encore fait connaître à ce jour. L’Angleterre toute entière retient son souffle, en attendant le dénouement de cette histoire…

A

lors qu’un éclair éblouissant déchire le ciel, les yeux de Sofia s’ouvrent, d’un air terrifié. Étendue sur une plage, qui se transforme petit à petit en boue de par la pluie battante qui s’y abat, elle est seule, et porte encore sa chemise de nuit. Effrayée, elle pense tout d’abord rêver, mais lorsqu’elle se relève, rien n’est plus réel que le sable sous ses pieds, que le vent qui fouette sa peau et que les gouttes qui s’accrochent à ses cheveux. Son premier réflexe est de trouver un abri, avant de se poser quelconque question sur ce qui vient de lui arriver. Et c’est là qu’elle les voit : des dizaines d’autres personnes, éparpillées sur le sol, le visage contre terre. Ils ressemblent à des cadavres, mais elle le sait : ils ont tous subi le même sort qu’elle. Néanmoins, ce point commun ne la rassure pas, et elle n’en réveille aucun pour qu’ils recherchent de l’aide ensemble. La jeune femme est pleine de ressources, et finira par s’en sortir sur cette Île dont elle ne connait rien. Plus elle s’adapte à l’Île, en chassant, en se défendant, plus sa présence ne devient qu’un souvenir, à Londres. Jusqu’à ce qu’elle y soit totalement oubliée…