Nobody knows who I am Mis à part mon père, et ma mère, personne ne le sait. Le problème est que personne n’a jamais su qui était ma mère, et que la seule personne le sachant, mon père, et décédé le mois dernier. D’après les rumeurs, mon père serait parti pendant un mois, laissant le village sans chaman, puis serait revenu avec un bébé aux cheveux de feu, sa fille d’après lui. Moi. Il n’a jamais dit était ma mère, ni à moi, ni à qui que ce soit. Je n’ai donc jamais eu de mère. Mais je ne m’en plains pas. Se plaindre est inutile. De plus, entre le fait que je sois semi-orpheline, et que ma couleur de cheveux soit si peu commune parmi les nôtres, je sais que j’ai eu beaucoup de chance de ne pas être considérée comme une pestiférée par les autres. Le rang de mon père à sans doute beaucoup contribué à cela.

We are young, so let’s fun fun fun ! Red! Lily! Le cri courroucé de Grey Dove nous fasait toujours éclater de rire. Grey Dove n’était pas la première dans une journée journée à crier mon nom, ou celui de la fille du chef. Ni la dernière d’ailleurs. Nous étions toutes les deux turbulentes et intenables à cette époque. Toujours à courir partout et à renverser divers choses sur notre passage. J’ai eus une enfance des plus joyeuses avec les enfants de la tribu. Avec Lily surtout, nous étions toutes les deux précieuses au clan, et toute les deux fougueuses. Un duo de choc. Elle était ma seule véritable amie fille. Sinon, j’étais plus virulente et préférais les jeux de garçons auxquels je n’étais pas souvent la dernière. Mais on m’adorait quand même ! Pas de soucis ! J’étais peut-être la première à déclencher la furie des gosses du village, mais j’étais aussi la première à lever mes fesses quand quelqu’un demandait de l’aide. Que ce soit pour tenir la pierre sur la lance d’un guerrier pendant que celui-ci l’attachait, pour aider une femme coudre, ou pour remplacer un danseur lors d’une fête. Ah j’étais toujours pump it up, comme on dit. Les autres se demandaient souvent d’où je tirai toute mon énergie. Et bah c’était une excellente question. Je ne le savais pas moi-même. En tout cas, j’étais la petite Red Hair, à l’époque, qui saoulait mais qu’on adorait quand même. Surtout quand le chef venait me voir pour me rappeler à l’ordre et que je lui offrais des colliers, ou des bracelets, même une coiffe en plume une fois ! J’avais déjà la technique pour amadouer les gens ! Et puis j’étais juste trop mignonne quoi !

The hard et weird chaman school Il y a un âge où les choses deviennent moins drôle. Pour beaucoup des filles du village, c’est celui de découvrir leurs futurs maris. J’en fus exempté. Non pas parce que j’étais la fille du chaman. Mais parce que j’allais l’être. Le statut de chaman n’est pas héréditaire, mais mon père savait que j’allais le devenir. Depuis ma naissance peut-être je ne sais pas. Je ne sais pas grand-chose de ce qu’il pensait d’ailleurs. J’aimais beaucoup mon père, il s’occupait très bien de moi avec affection, mais il parlait peu des choses importantes. Je commence à comprendre pourquoi. Notre statut nous offre une autre vision du monde pas forcément très glorieuse. J’avais toujours été là pendant ses interventions au village. En tant qu’observatrice ou petit assistante de temps en temps. Mais le véritable apprentissage n’était pas aussi simple. Je fus droguée pendant plusieurs jours, avec des drogues dures peu utilisées, pour ouvrir mon esprit. Je fus d’ailleurs purgée et sous drogue hallucinogène une nuit, pour faire ressortir mon moi intérieur. Qui s’avéra être le même que mon père. Le serpent mamba, qu’il me tatoua autour de la cuisse droite, au niveau de l’aine. Je me souviens de la douleur malgré les drogues. Quand j’ai repris totalement mes esprits, j’étais seule au milieu d’une forêt dans laquelle je n’avais jamais eu droit d’aller en prévision de cet exercice de communion avec la nature. Je n’avais pas mangé depuis plusieurs jours déjà. Il fallait… disons que je comprenne la nature autour de moi pour trouver la direction, pour faire simple. Bien que ce soit plus compliqué que ça. Pour vous résumer les sensations, quand je réussis à me connecter, je ne réussis pas pour autant à trier. Les souffles et les battements de cœurs de animaux, leurs bruits de pas, de rampements, les battements d’ailes, la sève qui coulent dans les arbres, les craquements de leur écorce, le vent les insectes…. La nature est un boucan à vous rendre dingue. Je réussis à faire le tri. Et je découvris beaucoup d’autres choses dans une communion totale et charnelle. Pour faire court et ne pas trop choquer, quand je reviens au village, deux semaines plus tard, je savais lire les signes de la nature et l’écouter, je connaissais mon anatomie à la perfection ainsi que son fonction, et aussi, ce qu’était le plaisir sexuel.
Quand j’arrivai au village, les gens eurent presque peur vu mon état pitoyable, et mon air fou. Mais mon père se leva, s’approcha de moi, posa ses mains sur mes épaules à m’appela Red Mamba pour la première fois, et je fus rebaptisée. Je souris et rentrai au tipi me reposer. Les mauvaises langues qui critiquait cet apprentissage comme un prétexte pour m’éviter un mariage se turent à jamais.

Red Mamba La suite de mon apprentissage fut plus doux, maintenant que j’avais eus le déclic. Je n’avais plus que la théorie à apprendre, et à pratiquer un petit peu bien sûr, même si j’avais déjà passer une partie des plus dures étapes. Mais il fallait surtout que je travaille la médecine, qui elle n’avait rien de vraiment très magique. Je passai désormais plus de temps avec mon père qu’avec mes amis. Je travaillais beaucoup avec lui, et le remplaçait complètement parfois. Je voyais moins mes amis, mais quand c’était le cas, c’était comme à l’époque. Folie et insouciance. Presque. Une partie de moi avait quand même changée, mais si j’avais gardé mon côté enfant.
J’apprenais vite, et intensément. Quelque chose clochait dans l’attitude de mon père, qui voulait visiblement m’apprendre le plus de choses le plus vite possible. Mais je ne lui demandais rien. On ne parlait pas sérieusement avec mon père, si on ne parlait pas de travail. Je fus également initiée à la médiumnité. Ce fut une expérience violente et relativement traumatisante, mais si on finit par… s’y « faire ». Abattre un animal, offrir son sang pour recevoir de brefs messages de nos ancêtres était la partie simple, mais peu efficace et concluante. L’autre état plus compliquer, il fallait non seulement que j’entre en contact avec l’esprit choisis, mais celui-ci me possédait, balançant images et sensations dans mon esprit que je devais interpréter ensuite, si trop floues, après avoir réussi à chasser l’esprit de mon corps, et éviter qu’il ne me possède plus ou moins définitivement. Non, non, la vie de chaman ne se résume pas à faire passer les rites de maturités aux membres de la tribu, de lire les étoiles qui ne veulent strictement rien dire sur notre propre cas, ou soigner les autres. Elle est bien plus dure. Et glauque. A la frontière entre le vivant et le mort. Entre l’humain et l’animal. Mon autre capacité étant d’absorber les capacités sensorielles d’un animal, durant un temps proportionnel au sang que j’avais bu de cet animal, dont l’esprit cherchait à survivre en moi, et auquel il fallait que je résiste, comme à celui des morts. Quand j’y pense, je me demande comment j’ai fait pour ne pas devenir folle.
Surtout ces derniers mois. Il y a maintenant trois lunes que mon père est mort. A plus de soixante années. Je comprends maintenant pourquoi il voulait tout m’apprendre si vite. Il savait qu’il allait mourir. En tout cas, me voilà, depuis trois mois, officiellement, le nouveau chaman du village.